Voici ma série d’autoportraits : « LIBRE « .
Portant des étiquettes qui nient ma singularité, je suis comme ‘esclave’ d’une histoire coincée dans la ‘guerre’ des couleurs . Ni vraiment blanche, ni vraiment noire, et pourtant pleinement les deux.
Aussi étonnant que cela puisse paraitre, mes premiers contacts avec la culture Africaine, en dehors de mon papa, se sont fait par le biais de ma famille Bretonne. Les souvenirs que l’on me rapportait de lieux de vie (Bénin, Niger, Tahiti etc…), les photos, peintures et autres anecdotes teintées d’acculturation ont teinté mon quotidien d’enfant. Certains membres de ma lignée n’ont pas dérogé à cette fameuse règle des voyageurs Bretons finalement…
Saviez-vous que les bretons (les plus pauvres d’entre eux probablement) furent envoyés en Martinique pour de dures labeurs dans les champs lors de la période coloniale ? La différence de température et les traversées etaient si difficiles que beaucoup ne résistèrent pas. Passer au commerce triangulaire fut alors un ignoble moyen de limiter les « pertes » humaines en allant chercher des êtres jugés physiquement plus résistants à ces conditions…
Je n’ai pas remonté ma généalogie , mais si cela se trouve, je suis liée à la Martinique des deux côtés de ma lignée. L’océan Atlantique relie d’ailleurs la côte Bretonne et la côte Martiniquaise.
Et si cette histoire singulière venait me rappeler que nous sommes finalement tous connectés-ées ?
Si l’on s’intéresse aux origines du métissage en Martinique, les premiers ‘mélanges’ blancs-noirs étaient probablement issus de relations cachées ou de viols… La violence coloniale ne laissait pas la place à l’ouverture des coeurs et participait aux mutilations des corps. Je m’interroge sur les vestiges de tant d’oppressions sur nos générations actuelles.
Lorsqu’une violence n’est pas reconnue, elle devient insidieuse, elle fini par prendre toute la place pour ensuite se transmettre. Ne pensez-vous pas que l’humanité porte encore les traces des ancêtres jusque dans les gènes ? Pensez-vous que l’on puisse réellement toucher l’amour sans nettoyer les plaies dues à la division ? Ne sommes-nous pas, encore aujourd’hui, esclaves de nous même dans une certaine mesure ? Carl Gustav JUNG disait : «Tant que vous n’aurez pas rendu l’inconscient conscient, il dirigera votre vie et vous appellerez cela le destin.»
J’ai souhaité, pour cet autoportrait, symboliser la monnaie d’échange liée à l’Afrique (le cauri) en le portant comme une couronne royale. Une manière pour moi de rappeler à mes ancêtres noires qu’elles étaient reines avant d’être esclaves. J’ai souhaité également me vêtir de beige, dans un tissu rappelant les robes créoles des Martiniquaises, parceque, quoi qu’on en dise, les femmes esclaves se sont réappropriées les vêtements des colons pour en faire un habit de fête. Il était également important de rassembler quelques coquillages, rappel de la mer qui relie mes deux terres et souvenirs ramenés des expatriations de ma famille Bretonne. La végétation représente le vivant, cette connexion à mère nature qui nous relient les uns aux autres, et la passion de mon grand père maternel (Breton) pour les paysages naturels. Enfin, le maquillage (surtout le trait d’Eye-Liner) est un clin d’œil à l’Égypte, parce-que cette couronne me rappelle les symboles féminins des reines Égyptiennes.
La lumière tamisée dans une ambiance aux couleurs chaudes, nous invite à comprendre la puissance du soleil et la transformation, malgré la présence de l’ombre .
Enfin, mes attitudes et gestuelles furent guidées par une assurance et une sérénité… comme une évidence… Une célébration ; la fin des héritages souffrants pour plus de liberté, et d’universalité.
Certains s’étonneront peut-être de ne pas voir plus de symboles Bretons dans ces images. J’ai simplement laissé parler mon cœur, peut-être pour valoriser la partie de mon être qui est la plus invisibilisée de mon histoire.
A mes ancêtres Martiniquais : regardons nos blessures et transcendons ces plaies à l’intérieur de nos âmes plutôt qu’uniquement à l’extérieur . A mes ancêtres Bretons, guérisons la tristesse des départs et du manque.
Je l’ai déjà évoqué, la photographie est un outils puissant de recherche de soi, de valorisation et de réappropriaition. Chaque séance photo est comme une parenthèse qui regarde en profondeur qui nous sommes et ce que porte notre énergie. A travers ces photos, je prône la libération des coeurs.
LIBRE
One Love.
Laetitia
Qui suis-je ?
Envie d’une séance photo avec BySamaké
Bijoux achetés lors du salon Natural hair Academy ( me contacter par E-mail pour plus d’infos : bysamakephotographie@gmail.com)
Inspirations :
– Ma famille
-Mon article sur le métissage
– Mon interview Singularité Martiniquaise sur l’esclavage avec le Fondateur de la Savane des Esclaves Gilbert Larose
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